Cdb ls2003 microsoft
Microsoft à Linux Solutions 2003
par Jiel
Cet article a été publié initialement le 19 février 2003 sur Léa-Linux à l'adresse suivante http://lea-linux.org/coupsdebecs/windows_salon2003.php3. Il a été publié ci-dessous sans apporter aucune modification. Cet article a aussi été diffusé sur LinuxFR le 10 mars 2003 à l'adresse suivante http://linuxfr.org/2003/03/10/11643.html où il a été un des articles les plus visité pour ce mois de mars.
Certains pensent que cet article est une des origines de l'article cinglant de Pierre Bugnon (Microsoft France) « Un petit vent d'hiver » traitant des libristes présents au salon et publié sur http://www.microsoft.com/france/technet/edito/default.asp. Cet article de Microsoft France avait à son tour suscité de nombreuses réactions dans la communauté française du logiciel libre, notamment celles de KDE France, Fred et LinuxFrench.
Pour la première fois, Microsoft était présent cette année au salon Linux Solutions à Paris-La Défense. Pierre, Macek et moi sommes allés discuter longuement avec eux, pour essayer de comprendre leur présence à ce salon.
Derrière le stand de Microsoft, était écrit sur les murs en grand "Shared Source". Intrigués, nous demandons ce que ces termes signifient. Nous apprenons que cette initiative de sources partagées désigne "le moyen par lequel la compagnie rend le code source largement disponible aux clients, associés, chercheurs universitaires, développeurs indépendants, et d'autres individus intéressés, tout en préservant les droits de propriété intellectuelle" (dixit le site officiel). Les représentants de l'entreprise de Redmond ont largement insisté sur cette notion de propriété intellectuelle. Sous cette idée de protéger les honnêtes démiurges informatiques, se cache une autre vérité, d'ordre économique. Pourtant, les logiciels libres sous la licence GPL appartiennent à leurs auteurs et personne ne peut s'approprier tout ou partie des droits d'auteur. Mais ce que veut Microsoft, c'est surtout, grâce à ses programmeurs de gagner encore plus de capitaux par des moyens plus ou moins discutables (en allant jusqu'à recopier des sources piochées dans le monde du libre). Ce qui nous amène à un premier bémol : sous couvert de protéger la propriété intellectuelle, la majorité des sources disponibles ne le seront pas en intégralité...
Ensuite suivant l'endroit où l'on habite, le code source pourra être rendu quasiment indisponible. Microsoft décide de cette disponibilité après un passage en revue des lois nationales. Pour résumer, dès qu'un pays n'a pas de lois qui avantageront le géant américain, il vaut mieux ne pas trop espérer voir une ligne de code :). De toute façon, d'une manière générale, les sources ne sont jamais accessibles pour les particuliers. Et pour les entreprises, de nombreuses restrictions : celles à qui cette licence sera accordée obtiendront le code source ; mais elles pourront seulement le consulter, et non le modifier. Et cette licence est à renouveler tous les ans.
Tout est bien calculé. Ce projet de sources partagées est destiné aux gouvernements, aux universités, et aux compagnies commerciales. Les gouvernements car c'est de là que sont issues les lois qui pourraient favoriser la politique de Microsoft. Les universités parce que ce sont de puissants centres de recherche qui pourraient les aider considérablement. Les compagnies commerciales parce que la stratégie de Microsoft repose uniquement sur le marketing. Leur objectif est aussi de développer une communauté de développeurs efficaces, similaire à celle de GNU/Linux. Finalement nous avons appris que les sources étaient accessibles pour certaines à 45%, d'autres dans leur intégralité. Bien sûr les sources d'applications très contestées comme Internet Explorer ou Windows Media Player ne sont pas disponibles. De plus, dans la plupart des cas ce seraient les sources de bêtas versions qui seraient disponibles... tout le monde sait que dans une version finale, on peut ajouter ce que l'on veut !
Par conséquent, nous pouvions nous en douter, ce n'était que de la poudre aux yeux ! Des morceaux de codes, des pré-versions, des restrictions et obligations importantes, rien pour les particuliers... Cette initiative ne peut profiter qu'à Microsoft, et à personne d'autre !
Microsoft et la sécurité
Microsoft n'était pas seulement là pour parler de son programme de sources partagées, le but était aussi de rassurer vis-à-vis de la fiabilité de ses produits. L'argument principal concernait la sécurité, en annonçant fièrement avoir obtenu la certification Common Criteria pour la plate-forme Windows 2000 Server SP3. "Cette certification CC (Common Criteria) est un standard reconnu dans le monde entier pour évaluer la sécurité des produits informatiques ; elle est définie par le CCITSE (Common Criteria for Information Technology Security Evaluation)" peut on lire sur le site de Microsoft. Mais la liberté individuelle dans tout ça ? Bien sûr on a malencontreusement oublié de nous mentionner que Red Hat était également en train d'obtenir cette certification. On ne nous as pas non plus mentionné qu'il fallait dépenser des millions de dollars pour obtenir cette certification.
Malheureusement le discours n'était pas très crédible, en raison des problèmes passés de sécurité avec des produits de Microsoft. Sans compter que l'on sait que l'anciennement dénommé "Palladium" est pour Microsoft "une plate-forme sécurisée de nouvelle génération." sSn but est de "combiner les fonctionnalités de Microsoft Windows, du matériel PC et des applications logicielles pour une meilleure sécurité, une plus grande confidentialité et une meilleure intégrité du système." On croit rêver, surtout lorsqu'on lit les explications floues de Microsoft à propos de TCPA/Palladium, qui "n'arrêtera ni les courriers indésirables ni les virus à lui tout seul. Mais en utilisant Palladium comme base, nous serons en mesure de construire divers modèles de confiance et d'infrastructure qui aideront à lutter contre les courriers indésirables et les virus avec des méthodes nouvelles et efficaces." Pour résumer, ils vont faire quelque chose qui va nous protéger, mais pour l'instant c'est un placebo ? ;)
Ce n'est qu'un exemple de ce qu'on pouvait entendre à Linux Solutions sur le stand de Microsoft : un discours marketing avec des grandes phrases et peu de contenu. Inutile de préciser qu'aborder le sujet du Palladium était un tabou lors du salon, et dès que quelqu'un l'abordait, les représentants de Microsoft se fâchaient :)
La stratégie Microsoft
Mais Microsoft était surtout là, de façon assez provocante il est vrai, pour essayer de faire changer le point de vue des utilisateurs de logiciels libres à son encontre. Les personnes qui étaient là étaient, semble-t-il, toutes plus ou moins des commerciaux, très portés sur le marketing et peu sur le développement. Ce n'est d'ailleurs pas une surprise : MS Windows s'est développé à l'origine en tant que seul OS vraiment grand public, puis s'est maintenu grâce à un marketing particulièrement agressif. Pour arriver à leurs fins les représentants de Microsoft ont été jusqu'à nier le monopole de leur entreprise, et à dire que les particuliers ne faisant pas confiance à leur entreprise étaient des paranoïaques :). Enfin, nous a-t-on dit, avec le nombre de gens travaillant pour Microsoft, s'il y avait un danger quelconque à propos des libertés individuelles, il y aurait des révoltes internes. Nous n'avons pas trouvé cet argument très crédible, étant donné que n'importe quel développeur ne va pas travailler chez Microsoft s'il n'approuve pas sa politique. De plus, les personnes qui travaillent pour cette société sont probablement soumises au secret professionnel, rémunérées en conséquence, et ne manipulent pas toutes le code source. N'étant pas à un mensonge près, le site de Microsoft France affirme même que " Windows XP Edition Familiale (...) est le système d'exploitation le plus fiable jamais créé pour un usage privé." Mais bon, tout cela est dans le cadre de la publicité et du marketing :)
Un autre fait était marquant : Microsoft qui n'est pas contre le fait de développer des choses sous FreeBSD, est radicalement anti-GPL ! Ils ont déclaré ne jamais vouloir développer d'applications, même propriétaires, sous quelquechose tournant sous une license GPL. Tout ceci est probablement dû au fait que GNU/Linux commence à leur prendre quelques parts de marché, que Microsoft ne pourrait pas mépriser avec une telle license les utilisateurs comme il en a l'habitude, et que la license GPL insiste sur le fait que les versions modifiées d'un programme doivent aussi être des logiciels libres. Ce boycott va de mise avec la guerre des brevets logiciels visant à interdire les logiciels libres...
La venue de Microsoft à Linux Solutions dénotait quand même un certain malaise naissant autour de l'OS Windows. Face à nos questions, les gens de Microsoft semblaient souvent mal à l'aise, et finissaient par débiter un discours bien rodé, du style "microsoft pense que..." "microsoft a décidé que..". Sans doute par peur de dire un mot de trop. Et ce n'est pas en proposant du jus de fruit ou des chips lors d'une question embarrassante que leur cote de popularité va remonter auprès du grand public... Manifestement ils n'avaient pas encore compris que GNU/Linux joue sur quelquechose de plus fort que le marketing et la bourse : l'élément humain. Et personne n'est dupe, Microsoft essayant de surfer dans la vague du libre, ça fait plutôt sourire :)
Sources
- http://www.microsoft.com/france/securite
- http://www.microsoft.com/licensing/sharedsource
- http://niap.nist.gov/cc-scheme/ccra-participants.html
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(c) 19 février 2003, Jiel